pour les malades et leurs proches.

comprendre l'algodystrophie

Chapitre 2

Etiologie et pathogénèse

E. Bär, L. Kappos, H.P. Ludin, M. Sutter, F. Wicht

L'algodystrophie apparaît indépendamment de l'âge, quoi qu'elle se manifeste plus fréquemment entre quarante et soixante ans, mais également chez l'enfant et le vieillard.

♦Cause réelle de l'algodystrophie

La cause précise de l'algodystrophie demeure aujourd'hui encore en grande partie inconnue et elle est discutée de façon controversée. En principe, il conviendrait de comprendre la raison de l'émergence d'une douleur spontanée de caractère intense que l'on ne peut expliquer en fonction de la lésion initiale. La douleur se comporte de façon déconcertante, ne se préoccupe pas des limites anatomiques imposées par un nerf, disparaît ou alors évolue vers la chronicité, demeure à la même place ou prend un essor fulgurant, quitte à sauter d'une extrémité à l'autre. Il faut donc trouver une explication non seulement à la douleur, mais à la sensibilité accrue à cette douleur, à sa perception persistante et à des douleurs déclenchées par des stimulations qui ne devraient pas faire mal qui caractérisent l'évolution maladive ultérieure.

En second lieu, d'autres symptômes de l'algodystrophie (les dysfonctions autonomes et motrices, les altérations trophiques) devraient pouvoir s'expliquer, sans qu'au demeurant ils ne doivent s'inscrire dans le cadre de la problématique douloureuse. Nous nous limiterons à discuter par la suite uniquement la question de la douleur.

♦Modèle du sympathique

A l'heure actuelle il existe encore des modèles de maladie qui incluent le système nerveux sympathique dans le développement de la douleur. Tôt déjà, on a suspecté que les altérations autonomes et en particulier neurovasculaires du tissu périphérique suggéraient une implication analogue du système sympathique dans le développement de la douleur.

Ces concepts ont en commun un réflexe somato-sympathique qui relie de façon circulaire le système nerveux périphérique et central (spinal). A partir d'une lésion périphérique, le réflexe débute au niveau de récepteurs alpha-adrénergiques, puis circule le long de fibres somato-sensibles (fibres de type C et A-delta) jusqu'à la corne postérieure de la moelle épinière au niveau de laquelle des mécanismes spinaux du sympathique efférent sont activés; celui-ci retourne à la périphérie et agit alors sur les nocicepteurs.Les motifs suivants suggèrent une participation du système sympathique dans la genèse de la douleur:

1. En phase précoce d'une algodystrophie, les douleurs peuvent céder à un bloc sympathique. C’est un traitement qui se fait sous anesthésie locale, on injecte par intraveineuse, le plus près possible des nerfs potentiellement atteints, des médicaments qui vont bloquer l’activité des nerfs

2. L'injection de noradrénaline dans une extrémité asymptomatique d'un patient ayant souffert d'algodystrophie dans le passé et qui a été traité par ablation d’un nerf sympathique reproduit dans un laps de temps de 30 minutes les douleurs originelles.

3. L'application intraveineuse de phentolamine, un puissant bloqueur des récepteurs alpha-adrénergiques, soulage les douleurs de patients souffrant d'algodystrophie et il a été observé que la clonidine (un puissant agoniste des récepteurs alpha-2) appliquée localement avait également diminué la sensibilité à la douleur des patients souffrant d'algodystrophie

Différents mécanismes ont été proposés en vue de répondre à la question de savoir quand et où le circuit du réflexe somato-sympathique intervient dans l'algodystrophie, mais sans grand succès.De nombreuses propositions ont été formulées: à la périphérie du système nerveux, on postule une information chimique directe transmise du sympathique à des terminaisons nerveuses nociceptives (se chargent de transmettre les informations au système nerveux central) à l'aide de la noradrénaline. Une liaison indirecte agissant au travers du système circulatoire périphérique est également suspectée.

♦Critique au modèle sympathique

Lors de ces dernières années, les éléments parlant contre le rôle causal joué par le sympathique dans la genèse de la douleur intervenant dans l'algodystrophie se sont accumulés. Ils sont les suivants:

1. Une activité accrue du sympathique ne peut être démontrée dans la phase précoce de l'algodystrophie. Il n'a pas été possible de démontrer une augmentation des décharges au niveau efférent du sympathique par le biais de la micrographie. On a même démontré dans le sang veineux d'extrémités atteintes d'algodystrophie un taux de noradrénaline inférieur du côté affecté par rapport au côté sain.

2. De nouvelles études, traitant de l'efficacité de la guanéthidine régionale intraveineuse ont mis fondamentalement en doute le rôle joué par le sympathique, démontrant aucun effet de la guanéthidine comparée à un placébo. Depuis lors, le médicament a été retiré du marché.Le moment était venu d'écarter l'hypothèse selon laquelle l'activité du système nerveux sympathique pouvait jouer un rôle essentiel aussi bien dans les causes que le traitement du syndrome.La guanéthidine, mais également la clonidine et la phentolamine ne sont pas plus efficaces que le placebo.

♦Modèle de l'inflammation

Le système nerveux sympathique perdu son rôle dans la genèse des douleurs de l'algodystrophie, de nouveaux éléments visant à l’expliquer se devaient d’être examinés.

C’est un groupe de travail néerlandais qui a émis l’hypothèse d'une inflammation. Paul Sudeck, qui a donné son nom au syndrome a noté une réaction inflammatoire excessive du tissu périphérique engendrée par une lésion ou une opération. A l'aide de la scintigraphie, on a pu montrer qu'il existait en phase aiguë de l'affection une accumulation progressive d'immunogammaglobulines marquées au niveau des extrémités atteintes, ce qui suggère une atteinte dommageable inflammatoire des couches inférieures de la peau à laquelle est associée un accroissement de la perméabilité et de la diffusion de macromolécules dans le tissu avoisinant.Il a été démontré dans diverses études du flux sanguin et du métabolisme que dans la phase aiguë, la circulation artérielle s'accroît d'un facteur de 2 et que l'on peut mesurer dans le sang de la veine cubitale une augmentation de la saturation en oxygène et en acide lactique. Ceci suggère un stress oxidatif (oxydation de l’organisme dû à un excès de molécules nocives) avec hypoxie tissulaire et ce malgré l'accroissement du flux artériel et de l'apport en oxygène. Cette situation, pourrait s'expliquer par une intoxication cellulaire engendrant une diminution de l'extraction d'oxygène et/ou par un dérangement de la répartition de l'oxygène à l’intérieur des cellurs. Des IRM effectuées à l'aide de phosphore marqué radioactivement ont démontré un manque de composante en phosphate à haute énergie dans la musculature squelettique due à une diminution du taux d'oxygène disponible; l'exercice provoquait une rapide et très forte diminution de la créatine-P.

Des examens histologiques ont démontré des altérations cellulaires. Différents neuromédiateurs ont été suspectés être responsables de la réaction inflammatoire excessive dans le tissu périphérique en particulier la bradykinine, la substance P et le "calcitonine gene related peptide". Des études prospectives et contrôlées par placebobasées sur l'hypothèse inflammatoire ont été pratiqué. Leurs résultats provisoires devraient être encore éprouvés par d'autres études.En ce qui concerne l'aspect psychologique dans l'étiologie de l'algodystrophie, persiste l'incertitude quant à savoir si les troubles psychiques observés sont la cause ou l'aboutissant de la maladie. Dans quelle mesure l'algodystrophie est à considérer comme déterminée essentiellement par un phénomène central, voire psychosomatique dépend de la possibilité d'identifier ou différencier plus précisément divers sous-groupes d'algodystrophie.

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Date de dernière mise à jour : 2021-07-05

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